La survivance de l’ancienne religion

novembre 9th, 2011

Dans « The meaning of witchcraft », Gerald Gardner évoque sa vision du judaïsme antique et du culte d’Asherah/Astarté. Il prétend que ce culte était répandu avant l’exil de Babylone. Comme je l’expliquais dans mon précédent article, l’archéologie biblique moderne va dans le même sens que son intuition. Il prétend également qu’un culte à la déesse aurait ensuite survécu de manière cachée dans l’ésotérisme biblique. Vous jugerez par vous même, mais c’est peut-être ce que l’histoire d’Esther sous-entend.

Si vous ne connaissez pas le rouleau d’Esther, voici un lien qui vous permettra de le lire.

Le rouleau d’Esther a quelque chose de particulier au sein de la bible hébraïque. Il est le seul livre dans lequel dieu n’est pas explicitement évoqué, même si certains commentateurs montrent qu’il est possible de retrouver le nom de manière cachée, par exemple en lisant un caractère sur deux au verset 8:16 du livre d’Esther, (הָיְתָה אוֹרָה) il est possible de lire le tétragramme. La seconde particularité de ce livre est qu’il est lié à une fête juive également unique en son genre, la fête de Pourim, la seule fête qui est associée à une période d’exil, sans que celle-ci ne prenne fin.

Je ne m’intéresserai pas ici à la réalité historique du livre d’Esther (il existe diverses théories), mais à son côté symbolique. Il est fréquemment reconnu que les noms des personnages de cette histoire sont liés à des divinités babyloniennes et élamites. Esther correspond à Ishtar, Mardokhaï à Marduk, Haman à Humman, et Vashti à Mashti. Des universitaires ont également fait remarquer qu’il est possible de faire le parallèle entre cette histoire et les pûrim babyloniennes qui fêtaient le retour du printemps à travers la victoire des divinités babyloniennes Ishtar et Marduk sur les divinités élamites, Humman et Mashti. Il est également possible de remarquer que selon l’une des généalogies de la mythologie babylonienne, Ishtar est fille d’Anu, et petite fille d’Anshar, et Marduk est fils d’Ea, et petit fils d’Anshar. Ishtar et Marduk sont donc cousins, comme Esther et Mardokhai dans le rouleau d’Esther.

Lorsque j’ai découvert cette hypothèse, un élément m’a sauté aux yeux. Si Mashti est devenue Vashti dans l’histoire d’Esther, c’est pour que son nom commence par la lettre vav, et cette histoire doit être un développement des versets 4:27-29 du Deutéronome qui prophétisent l’exil, en particulier le dernier de ces trois versets.

L’Éternel vous dispersera parmi les peuples, et vous serez réduits à un misérable reste au milieu des nations où l’Éternel vous conduira.
Là, vous serez soumis à ces dieux, œuvre des mains de l’homme, dieux de bois et de pierre, qui ne voient ni n’entendent, qui ne mangent ni ne respirent.
C’est alors que tu auras recours à l’Éternel, ton Dieu, et tu le retrouveras, si tu le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme.
(Traduction Zadoc Kahn)

Dans la traduction du dernier verset, il y a un contresens, en effet, וּבִקַּשְׁתֶּם ne signifie pas « auras recours à », mais « chercheras ».

Mardokhaï et Esther sont des noms d’emprunt d’origine babylonienne. D’ailleurs, Esther nous est présentée au verset 2:7 du livre d’Esther sous son nom juif, « Il était le tuteur de Hadassa, c’est-à-dire d’Esther, ». Nous ne connaissons pas le véritable nom de Mardokhaï, mais il est souvent appelé Mardokhaï ha yehoudi, ce qui signifie « Mardokhaï le juif ». Lorsque l’on prend les premières lettres de yehoudi, Hadassa, Vashti, et Haman, cela donne youd, hé, vav, hé, c’est-à-dire le tétragramme.

Cette association prend tout son sens lorsqu’on pousse le raisonnement un cran plus loin. Selon la kabbale, chaque lettre du nom divin est associée à l’un des mondes de la création, le youd qui symbolise l’action est associé à Atsiluth, monde de l’émanation, le premier hé qui symbolise le souffle de vie est associé à Briah, le monde de la création, le vav qui symbolise la connexion à Yetsirah, le monde de la formation, et enfin le dernier hé à Assiah, le monde de l’action.

Dans Atsiluth, la dimension de l’être humain est impersonnelle, c’est pour cela que nous ne connaissons pas le véritable nom de Mardokhaï. Il représente le juste à un niveau suprahumain. Cela explique son comportement étrange pour le commun des mortels. Il est à l’extérieur comme il est à l’intérieur sans le moindre compromis.  Lorsque dans un contexte donné, tout le monde cache qu’il est juif, il crie haut et fort qu’il est juif, lorsque tout le monde se prosterne, il reste debout, …

Notre neshamah, ou âme divine réside dans Briah, et est donc représentée par Esther. Esther est également une juste, mais à un niveau plus humain. Lorsqu’il faut rester cachée pour préserver sa vie, elle le fait. Notre neshamah est fondamentalement « bonne », mais elle peut se parfaire, c’est d’ailleurs le sens de la vie.

Sur le plan personnel, le monde de Yetsirah correspond au rouah, c’est-à-dire à l’esprit. Il n’est ni bon ni mauvais par nature et sert de chef d’orchestre entre le souffle de vie du haut (la neshamah) et le souffle de vie du bas (le nefesh). C’est le siège du libre arbitre représenté par Vashti dans le livre d’Esther.

Enfin, notre corps réside dans le monde d’Assiah, mais également notre nefesh, qui correspond à l’âme corporelle, animale, et primitive, la dimension spirituelle véhiculée par le sang (le fait de rougir ou pâlir suite à une émotion est lié aux déplacements du nefesh). À l’opposé de la neshamah, le nefesh est fondamentalement « mauvais ». Le nefesh nous apporte l’instinct de survie, mais au-delà de cela, il n’est que peur et agressivité. Dans l’histoire d’Esther, le nefesh est représenté par Haman.

Les versets du Deutéronome que j’ai cité, et leur développement dans l’histoire d’Esther, illustrent le fait que nous vivons dans un monde d’illusion. La différence entre les individus, les peuples, et les religions fait partie de cette illusion. Ce n’est pas le fait de donner un visage humain aux différentes facettes du divin qui conduit à l’idolâtrie. C’est de penser que le matériel précède le spirituel, et lorsqu’un sage montre la lune, de regarder le doigt. Toute personne, quelque-soit son origine, ses croyances, et ses mots, qui cherche de tout son cœur et de toute son âme, à transpercer cette illusion, atteindra le même état d’union.

L’ombre et la lumière de la wicca

novembre 7th, 2011

Un premier regard sur la wicca

Lorsqu’on étudie la wicca traditionnelle avec un peu d’objectivité et quelques connaissances en occultisme, on se rend compte rapidement d’un certain nombre de choses.

  • Les rituels d’ouverture/fermeture sont inspirés de la golden dawn.
  • Les rituels d’initiations et la structure des degrés sont inspirés de la franc-maçonnerie et des clefs de Salomon.
  • La charge de la déesse est inspirée entre autres des écrits de Charles Leland et d’Aleister Crowley.
  • Etc …

Dans son livre « The meaning of witchcraft », Gerald Gardner, pourtant franc-maçon et d’une manière plus générale, disposant d’une bonne culture occulte, raconte sa prétendue initiation, au milieu de laquelle il affirme avoir pris conscience de découvrir quelque chose de nouveau pour lui qui constitue la preuve de la survivance de ce qu’il appelle « l’ancienne religion ». Bien entendu, cette histoire est totalement invraisemblable de la part du connaisseur qu’était Gardner. On peut également rajouter le fait que la wicca traditionnelle n’est pas une pratique spirituelle fonctionnelle, même pour son créateur. Je ne parle pas du fait de vivre ou non des expériences spirituelles, je parle d’arriver à quelque chose d’épanouissant sur le long terme. Il suffit de lire les anciennes lois que Gardner a écrites avec Bracelin à la fin de sa vie pour le constater. Une personne qui écrit de telles choses n’a visiblement pas trouvé le détachement qui découle de la pratique spirituelle.

Le mystère des divinités de la wicca

Il est également étrange, surtout dans le milieu occultiste de l’époque, de constater que les divinités centrales de la wicca ont toutes une origine « douteuse ». Aradia est une divinité fictive inventée par Leland à la fin du XIXe siècle. Cernunnos n’est probablement pas un dieu, en tous les cas, rien ne nous permet de dire qu’il en était un. S’il en était un, nous ne connaissons rien de lui, et pourquoi associer un dieu gaulois antique à une déesse italienne moderne ? Pour la génération « chaos magick », tout cela n’est peut-être pas très choquant, mais replacé dans le contexte de l’époque, cela le devient. D’autant que Gardner se passionnait pour les cultes antiques. Et enfin même si Arianrhod, nom secret de la déesse révélé au troisième degré, a une origine antique, ce que nous connaissons d’elle est du domaine de la fiction, issue de la littérature galloise médiévale tardive. La wicca fait sans cesse référence à une grande déesse mère, quitte à utiliser un nom du mabinogion, le nom secret de la déesse devrait être Dôn et non Arianrhod. De plus, la wicca contient de nombreuses allusions à Ishtar (l’histoire de la descente de la déesse, la déesse étoile, …), donc le nom secret de la déesse devrait être Ishtar. Mais pourquoi Ishtar et non une autre déesse ?

Le cœur de la wicca

Même si l’attitude de Gardner tend à démontrer qu’il n’était pas quelqu’un de très spirituel et que la wicca telle qu’on la connait reste une construction inachevée, je pense également que c’était quelqu’un d’intelligent, doté de très bonnes connaissances ésotériques. Cela est difficile à démontrer dans un bref article, mais il y a quelque chose d’incroyable dans la manière dont la wicca est construite. Au premier niveau de lecture, on croit à une vaste fumisterie, mais lorsqu’on observe un peu plus précisément les choses, on se rend compte que la wicca est organisée comme une transformation alchimique (nigredo, albedo, rubedo). En approfondissant l’étude de la wicca, on prend conscience que cette transformation, au-delà des symboles alchimiques, prend également en compte le cheminement du processus d’individuation de la psychologie analytique de Jung (persona, ombre, anima/animus, lumière, cosmos). Cela devient véritablement bluffant lorsqu’on commence à s’intéresser à la kabbale et qu’on y trouve la plupart des réponses aux questions que l’on pouvait se poser.

  • Pourquoi la lune est-elle associée à la sorcellerie ?

Parce que dans la kabbale, yesod, qui représente, entre autres, notre capacité à manifester le monde matériel est associé à la lune

  • Pourquoi dans l’initiation, donnons-nous 40 coups de fouet ?

Parce que 40 symbolise la purification, l’introspection et la transformation (40 jours de déluge, 40 jours sur le mont Sinaï, 40 ans d’errance dans le désert, …)

  • Pourquoi lorsqu’on donne plus de 40 coups de fouet, il faut les donner par vingtaine ?

Parce que le chiffre 20 représente la soumission et l’humilité face à l’épreuve.

  • Pourquoi compte-t-on huit sentiers dans la pratique de la wicca, alors que l’encens est associé au vin, et que les rituels sont associés aux sorts, et qu’il aurait pu y avoir dix sentiers ?

Parce que le huit représente l’union du masculin et du féminin, l’élévation et l’alliance divine. La circoncision a traditionnellement lieu le huitième jour.

Je pourrais continuer longtemps ainsi, mais ce n’est pas vraiment le sujet de l’article. Je vais donc aller droit au but.

Le secret de Gerald Gardner

La question que l’on peut se poser est, au fond, que cherchait Gardner en créant la wicca ?

  • Pourquoi dans la légende de descente de la déesse, au second degré, lorsque celle-ci est fouettée par le dieu, ressent-elle l’amour alors qu’avant, elle ne l’aimait pas ? Cela n’a à priori aucun sens.

Pourtant, la réponse est simple, dans la montée des sephiroth selon le chemin traditionnel, il faut expérimenter gevourah avant chessed.

  • Qu’est ce que cela signifie lorsque le dieu dit que de cette seule façon il est possible d’atteindre la joie et la connaissance ?

Il fait allusion au pilier du milieu, tipheret étant associé à la joie, daat étant la connaissance.

  • Toujours dans la même histoire, à quoi fait allusion l’idée du cercle magique placé entre les mondes ?

Encore une fois c’est une référence à la non-sephirah daat.

Il existe dans le domaine de la kabbale, une théorie selon laquelle il faut apprendre de son vivant à explorer les royaumes spirituels pour être capable d’y subsister après sa mort, pour l’éternité. D’ailleurs dans la légende de la descente de la déesse, lorsqu’il est question de résurrection dans un nouveau corps, le mot corps est à prendre au sens spirituel (sinon le mot réincarnation aurait été employé). Même chose dans le serment du premier degré, il est question de vie future et non de réincarnation. Il est également question de résurrection dans le rituel du troisième degré. Comme pour beaucoup d’occultistes de son époque, daat et la vie éternelle étaient les obsessions de Gerald Gardner. Lorsqu’on a compris cela et que l’on relit le livre des ombres, on se rend compte qu’il y fait allusion en permanence. En créant la wicca, Gardner cherchait à accéder à daat en remplissant les quatre sephiroth environnantes. Le fouet et le baiser représentant gevourah et chessed, l’union du dieu et la déesse à travers le grand rite représentant chokhmah et binah.

 

La survivance de l’ancienne religion

Un fait amusant, selon Fred Lamond, Gerald Gardner n’a jamais mentionné la kabbale dans son enseignement oral et c’est Alex Sanders qui le premier a ajouté de la kabbale à la wicca (en réalité, de la magie cérémonielle d’inspiration kabbalistique). Pourtant toujours dans « The meaning of witchcraft » Gardner parle de kabbale et nous tend une perche en affirmant que selon lui les kabbalistes du moyen âge étaient des adorateurs secrets de la déesse. Effectivement, même si le fait de l’exprimer ainsi est un peu abusif, la kabbale est une discipline centrée sur l’union du masculin et du féminin. Il est fréquent que la kabbale ait recours à des figures anthropomorphiques, chokhmah étant associé à l’idée de père divin et binah à l’idée de mère divine (abba et imma en araméen). On peut également penser à Asherah et au cantique des cantiques.

Il est intéressant de remarquer que l’archéologie biblique actuelle a tendance à aller dans le sens de l’hypothèse de Gardner. En effet, selon toute vraisemblance, le judaïsme antique était un hénothéisme jusqu’à la destruction de temple de Salomon et il y a environ 2500 ans. Peut être qu’à travers le jeu de pistes qu’il a construit dans ses écrits, Gardner cherchait à nous dire que l’on peut trouver l’ancienne religion en filigrane dans les 30 siècles d’ésotérisme biblique.

Quelles perspectives pour la wicca ?

C’est bien joli d’affirmer que la wicca telle qu’elle est actuellement n’est pas fonctionnelle, mais comment faire pour la rendre viable ? Le spirituel repose sur le psychique. On ne peut donc pas développer une vie spirituelle stable sur un psychique qui n’est pas construit. Les émotions sont par nature plus fortes que la raison, et il faut développer sa raison pour rétablir l’équilibre. Dans la kabbale, les émotions sont associées à netsah et la raison à hod (pour faire simple), et pour équilibrer les deux, un kabbaliste pratique le questionnement talmudique pendant 25 ans avant de commencer à étudier la kabbale. Cela permet également de s’imprégner de la torah, le but final de la kabbale étant d’être capable de rentrer en contemplation en étudiant la torah dans le bon état de cœur, en captant la lumière qu’elle contient.

Vous pensez surement que ce que j’affirme au sujet de la raison ne vous concerne pas, que vous êtes resté assez longtemps à l’école pour apprendre à être cartésien, et qu’au contraire cela vous a rendu trop terre à terre et que c’est un handicap pour la vie spirituelle. Vous vous trompez doublement. On ne vous a pas appris à être cartésien, on vous à inculqué ce qu’il était socialement acceptable de croire ou de ne pas croire. Avez-vous seulement lu Descartes ? Savez-vous que les premières choses qu’il démontre avec sa méthode sont l’existence de l’âme et l’existence de Dieu ? Le rationalisme n’est pas synonyme de matérialisme. Il n’est pas non plus un frein au spirituel, au contraire il en est la fondation qui vous évitera de vivre dans le chaos. Dans une pratique religieuse véritable, il n’est pas question de croire, mais d’éprouver et le rationalisme est une chose essentielle. Cela permet d’aller au fond des choses et évite de se perdre.

Si pour équilibrer le niveau hod-netsah, il est surtout nécessaire de se concentrer sur la rigueur. Pour équilibrer le niveau gevourah-chessed, c’est l’aspect miséricordieux sur lequel il faut principalement se concentrer. Selon le modèle dessiné par Gardner, ce niveau est représenté par le fouet et le baiser. Ceci n’est pas totalement idiot, parce qu’en effet, la discipline vécue dans la joie, ce que l’on appelle communément l’ascétisme, est un bon moyen pour accéder à la contemplation. Mais ce n’est pas suffisant. Développer chessed, c’est apprendre à donner sans attentes, à aimer sans jugement chaque chose de la création, à percevoir la lumière contenue dans ce qu’il y a de plus sombre. Cette attitude n’était pas compatible avec les petites mesquineries de Gardner, ses histoires d’initiations, de secrets, et ses mensonges récurrents. Tout cela témoigne d’une volonté de tout garder et de tout contrôler, alors que pour cultiver chessed, il faut au contraire tout lâcher.

La langue hébraïque est l’une des rares langues dans laquelle les mots « homme » (ish) et « femme » (isha) dérivent d’une même racine (esh, le feu primordial). Et lorsqu’un homme et une femme associent leurs différences (le youd masculin et hé féminin), cela forme le mot Yah, qui est l’un des noms divins (comme dans « alléluia » qui signifie « rendez louange à Yah »). Dans un couple, c’est la femme qui apporte le chessed, pour la simple raison que l’instinct maternel est sa manifestation la plus ordinaire. Lorsqu’on étudie la wicca, cela semble évident que Gardner avait conscience de tout cela. Mais encore une fois, il ne s’y est pas pris de la bonne façon. Cette union du masculin et du féminin, la grâce peut nous la montrer dans les premiers mois d’un couple, mais ensuite il faut des années de construction quotidienne pour l’établir dans la stabilité. Si Gardner n’a pas su faire cela avec sa femme (s’il avait su, il n’aurait jamais créé la wicca telle que nous la connaissons), il ne pouvait pas le faire avec une grande prêtresse qu’il voyait deux fois par mois et qu’il changeait tous les deux ans. Il n’était pas dans une démarche de construction, mais de consommation, c’est-à-dire, même si cela n’était pas conscient, une démarche de destruction.

J’espère à travers cet article apporter un éclairage nouveau sur l’essence de la wicca. Parce que marcher aveuglément sur le chemin tracé par Gardner n’est surement pas la chose la plus intelligente que nous puissions faire.

Apprendre à recevoir

octobre 29th, 2011

Lorsque nous donnons, nous ouvrons notre cœur et nous construisons le monde spirituel. Lorsque nous prenons, nous fermons notre cœur et nous détruisons le monde spirituel. Ce phénomène est au cœur de la vie spirituelle, mais le monde subtil engendrant le monde matériel, ses implications vont bien au-delà. Il suffit d’observer les effets de la société de consommation sur la vie des gens et sur la planète pour comprendre de quoi je veux parler.

La société, coupée de la nature, est basée sur le mythe de la rareté alors que nous vivons dans un monde d’abondance. Lorsque nous donnons sans attentes, le mécanisme de causalité fait que nous recevons bien plus que nous aurions obtenu en prenant. On retrouve cette idée dans la wicca avec la loi du triple retour, même si elle est exprimée de façon naïve et qu’elle est souvent envisagée sous son aspect négatif. Donner dans le but de recevoir revient à prendre, c’est seulement une façon de faire semblant de donner.

Bien entendu, il faut garder à l’esprit qu’il faut subsister dans le monde matériel. Du fait de la complexité de la nature humaine, il est extrêmement difficile de trouver la bonne mesure. Par exemple dans leur recherche de détachement, les moines bouddhistes vivent uniquement de l’aumône. De leur côté, les moines chrétiens, selon la règle de saint Benoît, doivent travailler pour être autonomes. En contrepartie, ils doivent s’efforcer de produire mieux pour moins cher que ce que l’on peut trouver dans le monde profane. Les deux systèmes ont chacun leur niveau de perversion. D’un côté, le monachisme bouddhiste attire beaucoup de parasites qui n’ont pas la vocation mystique. D’un autre il est régulièrement arrivé au cours de l’histoire que des monastères chrétiens s’enrichissent outre mesure alors que ce n’est pas le but de la démarche.

Si nous ne prenions pas, nous recevrions bien plus qu’il nous faut, mais le cœur fermé par l’envie de prendre, nous ne voyons pas les voies qui nous le permettrait. La principale difficulté de la vie spirituelle se situe ici. Il faut apprendre à recevoir. Apprendre à ouvrir son cœur au-delà de la raison, sans rien attendre, même face à une situation, qui selon nos critères ordinaires, ne le mérite pas. Dans mon précédent article, je faisais allusion aux concepts de l’être extérieur et de l’être intérieur. On retrouve cette dualité dans le fait de donner ou prendre. C’est notre être extérieur égoïste qui souhaite prendre alors que notre être intérieur altruiste souhaite donner.

Les degrés de la wicca traditionnelle

avril 20th, 2010

Dans mon article d’introduction au chamanisme, je faisais allusion au fait que lorsqu’on se lance avec assiduité dans des pratiques spirituelles, tôt ou tard les choses prennent une tournure désagréable et nos traumatismes enfouis remontent à la surface. J’ai reçu une question à ce sujet, et je me dis que c’est peut-être bien de préciser un peu le fond de ma pensée. Pour illustrer les choses, je vais prendre en exemple les phases du grand œuvre de l’alchimie et les degrés dans la wicca.

La vision alchimique « idéale »

Le grand œuvre de l’alchimie est constitué des trois phases, l’œuvre au noir (nigredo), l’œuvre au blanc (albedo); et l’œuvre au rouge (rubedo).

L’œuvre au noir correspond justement au phénomène que je décris. Sous la chaleur du feu que l’alchimiste allume, la prima materia entre en putréfaction et se décompose. L’analogie est assez simple à comprendre, lorsqu’on tente d’éveiller la spiritualité en soi, nos troubles latents se retrouvent exacerbés.

Pendant l’œuvre au blanc, phase de purification, l’alchimiste lave et relave les scories issues de l’œuvre au noir avec de l’eau très pure. Là encore l’analogie n’est pas si complexe à comprendre, après s’être enfoncé profondément dans l’ombre, on découvre qu’on possède également la lumière propre à nous faire sortir de cette ombre. C’est pour cela que je précise l’importance de prendre conscience que la spiritualité est avant tout une affaire de guérison.

Arrivé à ce stade, on pourrait penser que les choses vont devenir simples, mais c’est loin d’être le cas. On découvre que la purification n’a rien de définitive, et on retombe sans cesse dans des cycles ombre / lumière. À ce moment il faut accepter que l’ombre fait partie de nous, et que toutes les purifications du monde ne nous en débarrasseront jamais. En alchimie on trouve parfois une phase intermédiaire entre œuvre au blanc et œuvre au rouge, l’œuvre au jaune (citrinitas). Je pense que cette phase correspond au temps nécessaire à cette prise de conscience.

Lors de l’œuvre au rouge, l’alchimiste cherche à combiner les éléments qu’il a obtenus suite à l’œuvre au blanc pour les stabiliser. Encore une analogie relativement simple, après avoir compris que l’ombre est une composante fondamentale de notre esprit, il faut trouver le moyen de l’accepter, de l’intégrer, pour retomber de moins en moins dans des phases d’ombre et trouver enfin une unité spirituelle stable. Il faut comprendre que ce qui par moment peut ressembler à de la pure folie est en chacun de nous, et que cela est également la source de notre inspiration. Plus on le refoule ce fait, plus on est perturbé. Plus on l’accepte, plus il devient un moteur.

Dans la wicca traditionnelle

La wicca traditionnelle est partagée en trois degrés. Cette organisation est assez classique dans de nombreux groupes initiatiques, et reprend l’évolution de la transformation alchimique. Le but derrière cela est de tenter d’accompagner les personnes qui en font le choix, sur le chemin de cette transformation. Bien entendu, ce balisage du chemin spirituel est très souvent mal compris et cette tentative d’accompagnement est maladroite. Par exemple lors de la nigredo, l’alchimiste prépare la prima materia pendant environ six mois avant d’allumer le feu qui va déclencher la dissolution, celle-ci pouvant durer des années. Mais pour de nombreux occultistes, la nigredo se termine après ses six premiers mois et sa fin est vue comme une mort/renaissance instantanée.

C’est cet effet précis qui est recherché dans le rituel d’élévation au second degré, à travers la légende de la déesse. Dans cette histoire, il est question de descente aux enfers, de mort et de renaissance. L’élévation au second degré est le meilleur moyen que je connaisse pour déclencher de façon systématique la « claque » dont je parlais. Pour toutes les personnes que j’ai pu rencontrer, le second degré a entraîné un gros remue-ménage. Cela peut paraître étonnant, car à part pour le troisième degré lorsque le grand rite est effectif, il n’y a aucun élément permettant d’atteindre un état modifié de conscience de façon systématique dans les rituels d’initiation de la wicca traditionnelle. Le fait d’être attaché et fouetté est la méthode centrale d’induction de transe de la wicca Gardnerienne. Pourtant, il est précisé dans les rituels, de ne pas serrer les liens lors de l’initiation car le contrôle du sang n’est pas voulu. Il est également expliqué que la flagellation doit être symbolique, car la transe n’est pas recherchée, et seul le dernier coup doit être un peu cinglant. En clair, ces rituels ne sont qu’une mise en scène théâtrale, et tout ce qu’il peut se passer pendant et à la suite d’un tel rituel n’est que le fruit de la suggestion et de l’auto-suggestion. Et pourtant, ça marche.

Enfin, la descente aux enfers fonctionne assez bien, mais rien n’est prévu pour la remontée. Dans la wicca alexandrienne, c’est assez différent. L’accent est mis sur l’apprentissage de techniques de guérison pendant le premier degré, et le second degré n’est donné que lorsqu’une personne maîtrise ces techniques. Cela peut être vu comme une dérive pour rendre les gens dépendant en ne donnant pas les degrés, mais ce n’était pas le cas dans le coven de Sanders (par contre, cette dérive a lieu dans divers covens alexandriens). Je pense que malgré toutes les choses négatives qui ont pu être dites sur Sanders, il savait où il allait et son approche était beaucoup moins approximative que celle de Gardner (certaines de ses grandes prêtresses ont reçu le troisième degré en quelques jours, sans aucune préparation).

À partir du second degré, la wicca traditionnelle adopte une vision de l’alchimie très Jungienne. En effet selon Jung, l’albedo correspond à la recherche de l’anima pour l’homme, et de l’animus pour la femme, et à partir du second degré, on pratique descente de la lune/soleil (ou l’invocation de Cernunnos selon les rituels). Lorsqu’on étudie l’évolution du livre des ombres à travers les époques, cela paraît flagrant que Gardner a créé la wicca avant tout pour lui même et qu’il y met en scène ses fantasmes. Dans la version de 49, il est toujours question d’un homme qui initie une femme, d’une femme qui flagelle un homme, … À travers de nombreux détails, on se rend compte que le côté « centré sur le féminin » semble bien moins évident que l’on pourrait croire en premier lieu. On peut penser que Gardner cherchait à régler son conflit des genres à travers des expériences liées au féminin sacré.

Toujours selon Jung, la rubedo consistait à réaliser en soi la fusion des principes masculins et féminins pour trouver l’unité du Soi. C’est ceci qui est recherché dans la wicca traditionnelle à partir du troisième degré à travers le grand rite, l’union sexuelle de la wicca. Personnellement je trouve que la résolution du rapport anima/animus est trop centrale dans la vision alchimique de Jung. Elle l’est encore plus dans la wicca traditionnelle. Je ne dis pas que ce n’est pas important, mais c’est loin d’être le seul problème à résoudre, et ce n’est pas toujours le plus complexe. Mais au-delà de cette considération, ce qui manque le plus à la wicca Gardnerienne est une méthode de guérison digne de ce nom que l’on apprendrait dès le premier degré. Parce que se faire attacher et fouetter en attendant que la guérison vienne, ça n’a jamais été une méthode très efficace 🙂

En conclusion

Je ne cherche pas à dessiner une vision noire de la spiritualité, ni à décourager qui que ce soit. Au contraire, je pense que l’aventure spirituelle est une belle chose qui mérite d’être vécue. En tout cas, elle l’est quand on est conscient des désagréments que je viens d’évoquer, que l’on sait que tout cela est normal, qu’il n’y a pas lieu d’avoir peur ou de se sentir perdu. L’ésotérisme de grand papa a la vie dure, et vous entendrez souvent que telle pratique est dangereuse, qu’il faut faire attention à ceci ou cela, … Mais en réalité cela ne fonctionne pas comme ça. Quand on apprend à marcher, il faut s’attendre à tomber un certain nombre de fois. Plus on a peur, plus on se raidit, et plus on tombe. Et moins en apprend à marcher. Si vous vous lancez dans une quelconque pratique spirituelle, soyez conscient du fait qu’un jour ou l’autre, vous allez tomber, et préparez-vous au mieux à cela en développant des techniques de purification et de guérison qui soient fonctionnelles.